Imaginez que l’on vous diagnostique une maladie génétique rare et que l’on vous annonce par la même occasion qu’il n’existe aucun traitement. Des centaines de millions de personnes dans le monde se trouvent dans cette situation. 7 000 maladies rares touchent plus de 700 millions de personnes dans le monde, mais seulement 5 % de ces maladies ont un traitement approuvé.
Coûts élevés de la découverte traditionnelle de médicaments, nombre réduit de patients…cela explique que l’industrie pharmaceutique ait souvent délaissé la recherche de traitements pour les maladies rares. Et pour de nombreuses raisons, utiliser une approche classique pour trouver des traitements aux maladies rares n’est pas une solution réaliste ou viable. C’est là que Modelis entre en scène.
Fondée en juillet 2018, Modelis développe une plateforme de découverte de médicaments qui exploite des données, l’intelligence artificielle (IA), l’apprentissage automatique et de petits animaux pour identifier de nouveaux médicaments potentiels et adapter des traitements déjà approuvés pour des troubles rares et complexes qui pourraient être utilisés pour d’autres pathologies.
« On aime dire que notre approche de la découverte de médicaments est différente. La découverte de médicaments nécessite une connaissance approfondie de la pathologie d’une maladie avant tout. Ce processus peut alors coûter des millions de dollars et cela peut prendre une dizaine d’années avant qu’un médicament ne soit testé sur des humains. Sur le marché des médicaments pour traiter les maladies rares, il n’y a ni temps ni argent pour cela. Nous avons donc décidé de bouleverser ce modèle de la découverte de médicaments. »
Accélérer le processus
L’approche de Modelis accélère les premières étapes du processus de découverte et de développement des médicaments. Tout d’abord, en utilisant des données et l’IA, les équipes évaluent rapidement la pertinence des cibles et des pistes potentielles par rapport à la pathologie d’une maladie, une étape nécessaire mais traditionnellement limitante dans le processus. Elles utilisent ensuite des échantillons d’animaux simples (comme les vers et les poissons) pour confirmer leur viabilité en tant que cibles thérapeutiques, et testent l’efficacité des thérapies potentielles, en accumulant des données et des connaissances au fur et à mesure.
« Nous utilisons des échantillons d’animaux simples parce que 80 % des gènes à l’origine des maladies humaines se retrouvent chez les petits animaux comme les vers et les poissons au cours de leur évolution, explique M. Doyle. Nous pouvons donc exploiter ces similitudes pour étudier des troubles complexes dans des organismes simples et mettre au point de nouvelles thérapies – ou réutiliser des traitements existants – de manière rapide et peu coûteuse ».
Des avancées thérapeutiques
Au début, l’idée d’utiliser de petits animaux pour tester de petites molécules semblait peu réaliste, mais Alex Parke, co-fondateur de Modelis, et ses collègues se sont lancés dans l’aventure. Ils ont testé plus de 4 000 molécules approuvées sur des vers malades, ce qui a abouti à une découverte majeure dans le traitement de la sclérose latérale amyotrophique (SLA) – une maladie neuromusculaire qui attaque les neurones et la moelle épinière. Cette découverte représente la première avancée en 25 ans.
Grâce à ces travaux, les chercheurs ont identifié une liste réduite de quinze molécules et ont finalement confirmé l’efficacité du pimozide (un traitement approuvé par l’administration des denrées alimentaires et des médicaments des États-Unis – Food and Drug Administration – pour la schizophrénie) pour traiter la SLA chez les poissons et les souris. Cette avancée a constitué le premier exemple de découverte de médicaments chez le vers pour l’homme et la preuve du concept de l’approche de Modelis. Les résultats de cette découverte ont donné lieu à un essai de phase 2b à grande échelle, mené au niveau national, qui est présentement en cours et qui examine l’effet du traitement au pimozide chez les patients atteints de SLA après une période de six mois.
Rapprocher le laboratoire du patient
À l’heure actuelle, Modelis travaille sur des programmes de développement rapide pour traiter six maladies rares. Bien que l’entreprise travaille avec différents partenaires du secteur, son modèle est plutôt axé sur la famille et permet ainsi aux patients et aux organisations à but non lucratif dans le domaine de guider et de promouvoir la recherche médicale sur des maladies spécifiques. Elle travaille également sur trois projets soutenus par des investisseurs philanthropes de capital-risque, où l’accent est mis sur la recherche sur les troubles neurologiques. L’approche de Modelis peut cependant s’appliquer à de nombreuses pathologies et troubles, notamment les maladies du développement, les troubles neurologiques, les troubles métaboliques, le cancer, les troubles cardiovasculaires et le vieillissement.
« Nous sommes guidés par la volonté de rapprocher le laboratoire du patient dans notre course pour découvrir de nouveaux traitements, déclare M. Doyle. Notre plateforme deviendra de plus en plus intelligente au fil du temps, ce qui nous permettra de mieux comprendre la pathologie des maladies et de découvrir de nouvelles thérapies et de nouveaux traitements pour ceux qui en ont le plus besoin ».
Modelis fait partie de la première cohorte du programme d’accélération adMare BioInnovations et est basée au Technoparc Montréal. Ce programme, soutenu par le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal, vise à soutenir les jeunes entreprises les plus prometteuses de la province dans le domaine des sciences de la vie.